Journal - 92 - L'ombre de Dionysos

Publié le par minotaurus

Je vais faire mon intello 5 minutes, ça changera des critiques de films débiles. Un essai de Michel Maffesoli, donc, L'ombre de Dyonisos, sous-titré "Contribution à une sociologie de l'orgie".

 

C'est comme le Port-Salut, c'est écrit dessus !

 

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"Une pulsion à l'errance" : ainsi l'auteur définit-il la dimension orgiaque qui, dans toutes les civilisations, occupe l'homme dans ses rituels. Entre socio et psycho, avec quelques détours nécessaires vers le dictionnaire - allez, comme ça, cash, petites définitions express de hériogamie et de hiérodulie ? Les hellénistes ont interdiction de jouer - Michel nous expose de façon pas trop pompeuse le comment et le pourquoi de la nécessaire débauche et de la si espérée extase, l'intime relation a priori paradoxale de la religion avec le rituel orgiaque, la volupté des castrats et des saintes abstinentes, cette ombre de Dionysos qui plane sur toute entreprise sociétale qui cherche l'harmonie et la rencontre.

 

Avec toujours, en arrière-plan, cette tentative de circonscrire le temps dans un moment-clé, bien défini, très partagé, bref, le désespoir de toute une humanité qui se voit mourir et tente, exsangue et dépressive, de contrer le sort.

 

Une chouette lecture, dont certaines pages m'ont renvoyée assez brutalement à deux films de Steve Mc Queen - pas l'acteur qui fait du rodéo en chevrolet dans les rues de San Francisco, non, le cinéaste qui secoue un peu le grand écran en ce moment, grâce lui soit rendue. Entre Hunger et Shame, il y a cette torture du corps auquel on fait prendre deux voies en apparence opposées, mais qui lui redonnent une place centrale dans cette même lutte perdue d'avance. Et choisir le même acteur pour les deux héros (ou anti-héros, non-héros, contre-héros ?) était, au-delà de l'amitié qui doit lier les deux hommes, particulièrement efficace : Michaël Fassbender - qui certes me ferait me rouler par terre sauvagement en temps normal, mais là, assez rapidement, vu les rôles qu'il endosse et l'intensité qu'il y met, pas tellement - compose avec son corps de troublantes métaphores de l'ascèse et de la débauche, avec une énergie du désespoir abyssale d'un côté comme de l'autre : oscillant entre ces alpha et omega de l'existence, une mélancolie irréductible comme la seule force qui pousse vers le rituel, le sacré, quelque chose qui permettrait d'y croire.

 

Memento mori, baby. On est loin de la voie du milieu.

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